Cinq conférences autour de l'apprentissage de la lecture
L’apprentissage de la lecture et ses méthodes, sa psychologie, sa pédagogie mais également ses difficultés comme la dyslexie, voilà autant de thèmes traités par un cycle de cinq conférences à destination des enseignants et du grand public offert par le Collège de France depuis février 2023.
- la psychologie de l’apprentissage de la lecture
- comment le cerveau se modifie-t-il quand on apprend à lire ?
- les dyslexies : comment les comprendre, les détecter, intervenir ?
- pratiques enseignantes et inégalités scolaires à l’entrée dans l’écrit
- comment aider les enfants à apprendre à lire ?
La psychologie de l’apprentissage de la lecture
“La lecture est la colonne vertébrale de tous les apprentissages. L’aisance de ce processus chez le lecteur expert – qui peut lire environ deux cents mots par minute sans aucun effort – nous fait oublier la complexité de la machinerie qui se cache derrière l’une des plus belles inventions de l’humanité. Depuis sa création comme discipline scientifique, la psychologie s’est toujours intéressée à l’étude de la lecture, ses automatismes, son apprentissage. Nous connaissons aujourd’hui ses composantes et ses rouages, tel un mécanicien connaît les pièces et voies de transmission qui font tourner les moteurs. Au-delà des clivages maintenant dépassés, il existe aujourd’hui une véritable science de la lecture, dont les avancées nous permettent de proposer aux élèves un enseignement de qualité. Dans cette présentation, je reviendrai sur les mécanismes qui sous-tendent l’apprentissage de la lecture. Cela nous permettra de mieux comprendre à la fois pourquoi certains enfants rencontrent des difficultés pour apprendre à lire, mais aussi comment mieux les accompagner dans ce processus parfois long et périlleux.”
Comment le cerveau se modifie-t-il quand on apprend à lire ?
“Apprendre à lire change profondément le cerveau de l’enfant. Comprendre par quels mécanismes neuronaux nous apprenons à lire peut nous aider à mieux enseigner la lecture et à en mieux comprendre les difficultés.
Dans son exposé, il montre des données d’imagerie cérébrale récentes qui indiquent comment l’acquisition de la lecture recycle plusieurs zones visuelles et auditives préexistantes du cerveau afin de les réorienter vers le traitement des lettres et des phonèmes. La comparaison des cerveaux de personnes alphabétisées et analphabètes a révélé trois sites majeurs d’amélioration dus à la scolarisation : les aires visuelles précoces, l’aire de la forme visuelle des mots dans le cortex (également appelée « boîte aux lettres du cerveau », une région spécialisée dans la reconnaissance visuelle des chaînes de lettres) et le planum temporal (une région impliquée dans le traitement phonologique). De nouvelles études d’imagerie cérébrale et de modélisation brossent un tableau détaillé de la manière dont le cortex visuel ventral et les aires du langage associées s’adaptent à la lecture. Il termine en discutant de quelques conséquences de ces découvertes :
– pourquoi les élèves font-ils des erreurs particulières, particulièrement de confusion des lettres en miroir ?
– quelles sont les meilleures stratégies pour enseigner la lecture, en se concentrant sur les lettres, leur ordre et leurs correspondances avec les phonèmes ?
– comment diagnostiquer les différentes formes de dyslexie, dont certaines trouvent leur origine uniquement au niveau visuel ?”
Les dyslexies : comment les comprendre, les détecter, intervenir ?
Lorsqu’un enfant éprouve des difficultés en lecture, comment pouvons-nous les aider et comment devrions-nous les enseigner ? La première étape consiste à comprendre précisément quel est leur problème. La dyslexie est un terme général désignant diverses déficiences en lecture. Il existe plus de 20 types différents de dyslexie, chacun résultant d’une déficience à un composant différent du processus de lecture ou aux connexions entre ces composants. Les différents lieux d’altération produisent différents types d’erreurs.
Je vais décrire les différents types de dyslexie, en mettant l’accent sur ceux qui sont plus fréquents en français. Pour chaque type de dyslexie, je décrirai les principales caractéristiques : quelles sortes d’erreurs les enfants commettent-ils en lisant ? Quels types de mots leur posent le plus de difficultés ? Je discuterai également de la manière dont les propriétés particulières du français interagissent avec la manifestation des différents types de dyslexie. Ensuite, je décrirai les orientations pour le traitement de ces dyslexies et ce qu’un enseignant peut faire pour enseigner aux enfants présentant chaque type de dyslexie de la manière la plus appropriée.
Je conclurai en abordant une autre source de difficultés en compréhension de lecture qui n’est pas la dyslexie : les difficultés syntaxiques, et je discuterai des moyens de distinguer entre les différentes sources de difficultés en compréhension de lecture : difficultés de lecture et difficultés de compréhension.
Pratiques enseignantes et inégalités scolaires à l’entrée dans l’écrit
Les inégalités sociales dans l’apprentissage du lire/écrire apparaissent très tôt dans les parcours scolaires. Comment expliquer ce constat ? Pour répondre à cette question, il convient notamment d’observer précisément la façon dont l’institution scolaire organise l’enseignement du lire/écrire en classe de CP. Cette conférence sera l’occasion de revenir sur un certain nombre de résultats maintenant bien établis sur le sujet, mais également de présenter les premières analyses tirées d’une enquête statistique de grande ampleur, réalisée en 2021 en France, visant à rendre compte des effets des pratiques d’enseignement de la lecture sur les apprentissages des élèves de différents milieux sociaux.
Comment aider les enfants à apprendre à lire ?
Les inégalités scolaires en France ont été maintes fois rapportées dans les enquêtes nationales et internationales. L’un des leviers de lutte contre ce phénomène se trouve dans la réduction des difficultés lors de l’apprentissage de la lecture. Les instructions ministérielles insistent sur la période préscolaire (en maternelle) pour préparer les conditions optimales pour cet apprentissage, et bien sûr l’école primaire pour offrir l’enseignement le plus efficace pour que chaque enfant devienne un bon lecteur. Que dit la recherche dans ce domaine en France pour répondre à la question de la stimulation des processus cognitifs impliqués dans l’apprentissage de la lecture ?
Deux séries de travaux seront présentées, l’une portera sur des expérimentations pédagogiques – quels programmes d’entraînement contribuent à une meilleure réussite ? – et la seconde s’attachera à montrer comment des outils numériques ciblés sur des processus spécifiques (découverte du code alphabétique, traitement syllabique en identification de mots écrits et compréhension) améliorent les performances en lecture. Les premiers, conduits sur des études à grande échelle en collaboration avec les enseignants, ont été réalisés dans des zones défavorisées. Les seconds se sont adressés à des enfants en difficulté ou à risque de difficultés. Si ces études ne relèvent pas de la prescription, elles offrent toutefois de solides pistes de réflexion sur les moyens de réduire les inégalités scolaires dès le début de la scolarité.